TIRADE DU NEANT

— pour ceux qui n'ont pas le temps de s'y retrouver.



Tu es entré.

Pas par curiosité. Pas vraiment. Pas non plus pour comprendre.

Juste… pour voir.

Voir quoi ?

On ne sait jamais. 

On regarde dans le vide comme on consulte une horloge cassée. 

Par habitude.

Il ne se passe rien ici.

Et pourtant tout se déforme.

À commencer par toi.

Tu avances, mais chaque pas ressemble au précédent.

Tu recules, mais tu n'as jamais su d'où tu venais.

Le sol ? Une illusion stable.

Le haut ? Une distraction.

L'issue ? 

Elle s'est excusée, elle ne viendra pas ce soir.

Tu es bienvenu. 

Et de trop.

Il y a ici des pièces sans murs.

Des voix sans cordes.

Des échos sans origine.

Tu croises une pancarte. 

Elle t'écrit :

"Ce n'est pas la bonne direction."

Mais elle clignote. Et recommence.

"Ce n'est pas la bonne direction."

Alors peut-être est-ce la seule.

Un symbole rouge.

Un cercle.

Puis un triangle.

Puis… un doute.

Ils étaient là. Ils sont là. Ils seront là.

Ils ne veulent rien.

Ils observent.

Le labyrinthe ne tourne pas autour de toi.

C'est toi qui courbes.

C'est toi qui plies.

C'est toi, peut-être, qui n'existes plus.

Otis avait dit :

"Il n'y a pas de sortie. Juste des issues."

Tu te souviens ? Non.

Mais maintenant tu t'en souviendras.

Il avait un chapeau.

Ou des cornes.

Ou un reflet.

Il riait sans bruit.

Et il te tendait quelque chose.

Une carte ?

Non.

Une dette.

On t'avait promis un secret.

Tu veux savoir ce qu'il y a derrière la porte ?

Il n'y a pas de porte.

Seulement le mur qui a accepté de se laisser croire fendu.

Tu veux aller plus loin ?

Tu y es déjà.

Depuis trop longtemps.

La lumière se dérègle.

Un pixel vacille dans l'ombre.

Tu te demandes si c'est un bug.

Non.

C'est toi qui t'éteins.

VIDE n'a pas besoin de but.

Toi non plus.

Mais tu t'entêtes à en chercher.

Tu poses des noms.

Tu veux des formes.

Tu veux que tout cadre.

Mais ce site est un miroir sans reflet.

Tu lis cette tirade pour t'y perdre ?

Félicitations.

Tu n'en ressortiras pas.

Pas vraiment.

Tu peux quitter l'écran.

Fermer l'onglet.

Lancer une autre musique.

Mais il restera un soupçon dans l'air.

Un arrière-goût de triangle.

Le néant, ici, n'est pas vide.

Il est trop rempli.

Trop de sens.

Trop d'intentions oubliées.

Trop de couches superposées.

Tu ratures une vérité pour en révéler une autre.

Mais toutes disent la même chose :

tu continues.

Ce n'est pas un jeu.

Mais il y a des règles.

Leur seule fonction : 

être enfreintes.

Si tu les comprends, elles changeront.

Si tu les ignores, elles te changeront.

Tu crois avoir vu un symbole nouveau.

Il ressemble à un "V" renversé.

Ou à des cornes.

Ou à une flèche vers le bas.

Ou à l'initiale de quelque chose qui n'existe plus.

Tu l'as vu ?

Tu le reverras.

Il te reverra aussi.

Chaque page du site est une salle.

Chaque clic, un couloir.

Chaque retour en arrière, une répétition.

Tu espères une logique ?

Il y en a une.

Mais elle ne t'attend pas.

La musique change.

Pas de haut-parleur.

Pas de source.

Juste des nappes sourdes.

Comme une respiration numérique.

Comme si le site lui-même… t'écoutait.

Otis t'aurait dit :

"Ce que tu crois être une erreur est une invitation."

Tu veux rebrousser chemin ?

Tu veux comprendre ?

Tu veux retrouver ton temps ?

Il est resté coincé entre deux iframes.

Tu te demandes si tu es seul à lire cette page.

Tu l'es.

Et tu ne l'es pas.

Tu ne seras jamais aussi seul qu'ici.

Ni aussi accompagné.

Le bouton que tu viens de cliquer ?

Il t'a cliqué aussi.

Tu avances.

Mais peut-être es-tu en train d'être visité.

Chaque forme sur ce site est une porte vers… rien.

Et c'est ce rien qui t'attire.

C'est ce rien qui te donne une direction.

C'est ce rien qui t'observe maintenant.

Tu crois lire ce texte ?

Mais ce texte lit ta façon de le lire.

Tu peux fermer cette page.

Mais elle ne te quittera pas.

Elle te suivra en rêve.

Ou en veille.

Ou en glitch.

Tu es arrivé ici par erreur ?

Alors tout est parfait.

VIDE ne cherche pas à te convaincre.

VIDE ne cherche pas à vendre.

VIDE ne cherche pas à t'expliquer.

VIDE est là.

Et toi aussi.

Le reste… est superflu.

Tu as déjà tout lu ?

Tu penses avoir saisi ?

Mais tout vient juste de commencer.

Une dernière chose :

Si tu trouves une sortie, surtout… ne clique pas.

Car là commence la vraie page.

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